veilles / 19 Juin 2017
Pub télé « adressée » : un surcroît de revenus de 200 millions
Les opérateurs de télévision estiment que la publicité « segmentée » (avec des tranches de pubs différentes selon les catégories de téléspectateurs), si elle était autorisée en France, pourrait faire croître le marché de la pub télé d’ici à 2022 de 200 millions d’euros s’il était possible de géolocaliser les téléspectateurs.
C’est l’estimation du SNPTV. Les TF1 et autres M6 espèrent un changement de réglementation d’ici à la fin de l’année.
Une technologie permettant de diffuser, comme sur la Toile, des tranches de pubs différentes selon les catégories de téléspectateurs ? Les opérateurs de télévision estiment qu’une telle publicité « segmentée », si elle était autorisée en France, pourrait faire croître le marché de la pub télé d’ici à 2022 de 200 millions d’euros s’il était possible de géolocaliser les téléspectateurs, ou de 80 millions d’euros si ce n’était pas le cas.
« Sur un marché de la pub télé total de 3,2 milliards, il s’agit d’une opportunité, même si ce n’est pas un eldorado », explique Virginie Mary, déléguée générale du Syndicat national de la publicité télévisée (SNPTV) qui les représente. Des sommes néanmoins bienvenues compte tenu du déplacement de la publicité vers le Web, aujourd’hui en particulier chez Google et Facebook. Et sachant qu’il y a un risque que la pub télé chute lourdement si elle ne s’adapate pas, même si le média télé résiste encore bien aujourd’hui.
A l’heure actuelle, même si les groupes de télé multiplient les tests, notamment en télé de rattrapage, cette technologie reste interdite en France sur les chaînes nationales alors qu’au Royaume-Uni par exemple, des acteurs comme Sky et Virgin en sont à s’allier pour offrir une masse critique de téléspectateurs optimisant la publicité segmentée (on dit souvent « adressée »). Un décret de 1992 stipule qu’à l’exception de France 3, les contenus doivent être les mêmes à tout moment sur tout le territoire.
Ne pas laisser le champ libre aux géants du Web
Cela dit, « même si nous ne préjugeons de rien, nous avons l’impression que les choses pourraient s’accélérer et qu’une modification du décret par le gouvernement (l’intervention du législateur n’est pas requise) est envisageable avant la fin de l’année, » poursuit Virginie Mary. Les radios ou d’autres médias vivant de la pub pourraient ne pas l’entendre de cette oreille.
Le SNPTV vient d’envoyer à la direction générale des médias et des industries culturelles du ministère une étude sur les opportunités et risques de cette technologie commandée au cabinet Demain. Il a également abordé ce thème dans une présentation des évolutions du marché au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), qui sera consulté sur ce dossier.
Les télés, qui génèrent déjà des petits revenus de pub segmentée sur leur plate-forme de rattrapage pour ordinateurs et portables, ont un argument de choc. Si on les bride dans ce genre d’initiatives, « cet argent ira enrichir les géants du Web, » explique Laurent Bliaut, DG adjoint chez TF1 Publicité. Or, ceux-ci ne respectent pas de quotas de diffusion et ils ne participent pas au financement de la création française.
Toucher plus d’annonceurs locaux
La publicité adressée combine potentiellement la puissance du média télé, sur lequel les campagnes restent bien mieux valorisées que sur le Web, et la précision de la pub numérique. Telles qu’elles sont conçues, les grilles de programmes des chaînes segmentent déjà bien les publics, avec des émissions pour les jeunes, les femmes, les CSP+, etc.
Mais géolocaliser les tranches de pub permet de toucher plus d’annonceurs locaux. C’est, dans cette technologie, l’avantage le plus intéressant. On peut aussi ajuster les pubs en fonction des membres d’un foyer, voire intégrer des données de comportement ou d’intention d’achat.
Si le SNPTV a fait son calcul à horizon 2022, c’est que le marché ne pourra vraiment croître que lorsque les décodeurs des foyers français seront suffisamment modernes pour intégrer les logiciels nécessaires. On estime par exemple que sur les 6 millions de boîtiers Orange, seulement moins d’un tiers permettent de faire de la pub segmentée.
NICOLAS MADELAINE
>> Lire sur les Echos.fr